Ce moment de notre vie si noir et si obscur qu’on a la sensation que jamais on n’en sortira, qu’on va y laisser notre peau au sens propre
comme figuré. Ce phénomène a été évoqué en premier par Saint Jean, il correspond également au démantèlement ou démembrement chamanique ; la sensation ou la réalité que son existence, son corps se
casse morceau par morceau. On traverse un moment de vie qui nous brise autant de l’intérieur que de l’extérieur. Il paraît qu’un chamane doit en passer par là pour mériter ce titre et pouvoir exercer
sa médecine, l’inverse est moins vrai : tous ceux qui vivent cette Nuit Noire de l’Âme ne deviendront pas chamane pour autant, toutefois c’est qu’ils ont connu au préalable une phase d’éveil
spirituel !
Phase assez brutale et soudaine dont on a pleinement conscience, on sent que notre Univers est en train de se transformer et que notre
vie prend une nouvelle direction. Au départ, cela peut même être euphorisant et puis petit à petit on plonge dans un sentiment de vide, on ne reconnaît plus rien de nous ou encore de ce monde dans
lequel on a vécu jusqu’alors. La nuit noire arrive doucement mais surement et on perd pied, des événements difficiles vont nous tomber dessus les uns après les autres, des douleurs physiques vont
apparaître aussi bien que des blessures morales ou psychiques. Il ne s’agit pas là de « coups du sort » c’est bien plus profond. C’est comme une traversée du désert sans fin, on est de plus en plus à
fleur de peau et dans l’incompréhension, notre destinée nous échappe. L’impression de subir et d’être impuissant.
Je me souviens d’avoir eu le sentiment qu’un TGV lancé à pleine vitesse m’arrivait dessus pratiquement chaque jour, et que je ne pouvais
rien faire, il me passait sur le corps, me laissait pour morte et si j’avais quelques forces pour me relever alors un nouveau s’annonçait. On ne peut plus lutter, on est à bout de force, on ne croit
plus en rien, on pleure, on s’enfonce lentement dans cette obscurité. On ne sait pas qu’il y a la Lumière à l’autre bout du tunnel, tout simplement parce qu’on ne sait pas qu’on est dans un tunnel et
que cette noirceur aura une fin. On se croit piégé dans la matrice.
Et c’est là toute la beauté de la chose, c’est bien parce que notre vision de la matrice a changé que cela nous arrive, on a touché du
doigt qu’il y avait quelque chose au-delà de la matrice, au-delà des écrans, au-delà de tout ce qu’on nous a toujours donné à voir ou à croire. Entre alors en jeu, notre Ego, on ne le sait pas mais
c’est lui qui meurt et non nous. La carapace se fendille et elle explose en vol, nous laissant nu, vulnérable au possible dans les tréfonds de notre existence dont nous ne voulons plus. Je me
souviens avoir supplié qu’on me reprenne, que je n’avais rien à faire sur cette Terre, je me souviens avoir perdu toute once de vie en moi. Mourir, je me sentais mourir et le voulais. Plus rien
n’allait, plus rien ni personne sur qui compter ou presque, chaque pas que je faisais m’amenait dans le noir et je sentais le sol se dérober sous mes pieds.
Le nettoyage est si raide, si rêche, que notre corps refuse de continuer à s’alimenter de la même manière, on se retrouve à être malade
en mangeant les mêmes choses qu’avant, notre mental est perdu et tourne en boucle, c’est une crise sans précédent. En fait, tous nos schémas s’effondrent, toutes nos croyances reçues par éducation ou
par norme sociétale nous semblent ne plus tenir debout et ne correspondre à rien. Paradoxalement, jour après jour nous tentons de nous raccrocher à ces croyances limitatives car ce sont les seules
que nous connaissons depuis des décennies et nous en avons marre de vivre dans l’incertitude et l’insécurité de cette Nuit Sombre, si longue qu’elle dure des jours ! Des accès de colère nous
prennent, puis de tristesses, de révolte, de panique, des souffrances qui semblent sans fin nous tenaillent jusqu’à perdre la foi en tout.
Alors on cherche à fuir, fuir ce Monde, fuir notre monde, partir à l’autre bout de la planète a été l’une de mes idées. Je pensais ainsi
me sauver (moi-même) de cette situation. Erreur…Car tout ce que nous traversons est dû à la destruction de notre Ego, c’est la mise à mort de nos schémas habituels, c’est donc en nous. Nous pourrions
bien partir sur la planète Mars que cela n’y changerait rien, nous emporterions notre souffrance avec nous !
Alors on envisage un autre stratagème, consciemment ou non, pour mettre un terme à ce mal être qui nous ronge. ON CONVOQUE SON PASSÉ ! Eh
oui comme nous n’avons pas la notion d’être dans un tunnel et donc que cette noirceur est momentanée et toute relative, nous ne pouvons espérer un meilleur pour le futur, nous n’avons pas la capacité
de visualiser ou projeter un avenir. Tous les pans de notre vie sont en train de se déstructurer, toutes nos protections en train de tomber, toutes nos blessures mises au jour et toutes nos peurs
nous explosent au visage. Nous sommes dans l’inconnu. Et il fait si sombre dans ce nouveau monde qu’on n’a pas envie d’y rester ou d’avancer ! On veut revenir en arrière, là où on était mieux, là où
on allait mieux. Alors on convoque son passé ! Parfois volontairement, parfois l’Univers répond à notre demande implicite mais surtout il nous teste ! Je caricature pour bien vous faire comprendre
car c’est plus subtil que cela mais en gros, l’Univers vérifie si on a envie de renfiler nos bonnes vieilles chaussures ou si on est prêt au meilleur qui s’annonce. Choisira-t-on le confort du passé
ou l’inconfort de l’inconnu ? Vous vous doutez bien que l’équation n’est pas si simple, choisir la facilité et repartir d’où l’on vient, sera à court terme soulageant mais à moyen et long terme une
immense erreur qui dans le meilleur des cas nous ferra tourner en boucle dans une vie de non épanouissement, de non satisfaction et dans le pire des cas nous ramènera à la case départ c’est-à-dire
repasser une seconde fois par cette Nuit Noire de l’Âme.
On est face à un carrefour de vie : retourner vers le passé ou avancer dans la Nuit ? Je me souviens être passée par un tel degré de
souffrance, à la limite du sentiment d’injustice, que j’ai fini par baisser les bras et j’ai fait demi-tour. J’ai finis par croire que j’avais dû faire une erreur en démissionnant de mon travail
parce que ma nouvelle activité ne m’apportait que la désolation, le vide, la solitude. En trois mois, j’avais approximativement reçu trois clients ! Alors je me suis retournée et je me suis raccroché
à ce passé d’enseignante, après tout je pouvais bien repratiquer ce métier dans d’autres conditions, au moins j’aurais une sécurité financière et le sentiment de faire quelque chose de mes journées
au lieu de tourner comme un lion en cage et de me ronger l’esprit ! Comme je voulais échapper davantage à moi-même et à mon Âme, j’avais postulé à 4000km de là ! Finalement, quoi de plus rassurant
que de faire ce qu’on connaît, forcément les choses allaient s’arranger pour moi et je pourrais revivre. Sauf qu’une fois ma candidature retenue et les conditions exposées, j’ai eu un sursaut de
lucidité ! Tout m’est revenu, pourquoi j’avais arrêté ce métier, les mauvais moments et les mal-êtres occasionnés, pourquoi je m’étais tournée vers une autre voie et que je méritais de donner une
vraie chance à la nouveauté. Si on fait des choix dans notre passé ce sont pour des bonnes raisons, si on rompt des contrats, si on cesse un partenariat à un moment donné c’est bien parce qu’il y
avait un problème insoluble ou une souffrance trop importante. Et surtout c’est parce qu’on a changé et que cela fait parti de notre ancien Moi.
J’ai donné sa chance à la nouveauté. Pour moi ce fut un métier (bien que tous les pans de ma vie partaient en miettes), pour d’autres
c’est sur le domaine relationnel, financier, amoureux ou de la santé qu’ils font revenir le passé. Je n’ai jamais regretté. J’ai juste lâché prise. J’ai accepté. Accepter de ne plus écouter le
Mental, de me départir des croyances qu’on m’avait inculqué (« tu ne sauras jamais faire, t’en sortir, tu n’y arriveras pas, c’est la crise économique, c’est un coup de tête, on n’abandonne pas un
emploi assuré pour un job sans garantie, c’est trop risqué, tu n’as pas les diplômes qu’il faut, tu n’auras pas assez de clients, tu vas passer pour une folle… »), je me suis rappelée de tout ce que
je pressentais, savais, avais vu ou conscientisé : ce monde-là n’est qu’une illusion, j’ai levé le voile, j’ai vu au-delà de la matrice : d’autres valeurs, d’autres possibilités, d’autres façons de
pensée.
Je n’ai pas été déçue, la Lumière un jour est réapparue, et oh surprise ! En acceptant d’avoir tourné le dos à mes fonctionnements
prétendument sécurisants et confortables et bien j’ai découvert un Autre Monde extraordinaire qui correspondait davantage à celle que je suis. Je n’étais plus seule à avoir vu cette Vérité, on était
des tas d’autres ! Comment avais-je pu passer trois décennies d’une vie à ne pas rencontrer une seule de ces personnes ? Aujourd’hui j’en rirais presque, tellement le nombre est grand des gens qui se
trouvent de l’autre côté du Voile. J’en côtoie tous les jours moi qui me sentais si seule à penser les choses ainsi. Ma vie a pris un nouveau tournant, une nouvelle dimension. Et je ne suis pas la
seule, tout ceux qui sont passés par cette Nuit Noire de l’Âme et qui n’ont pas fait demi tour, vous le diront : ça vaut le coup, c’est terrible, c’est atroce, c’est indéfinissable de mal être, de
douleurs, d’infinies souffrances inimaginables mais au final, ça vaut le coup ! Un homme a perdu son emploi, sa femme est partie, sa maison a brûlé… Que faire ? Choisir la zone de confort, retourner
avec une femme qui vous a quitté pour s’assurer un toit sur la tête ? Ou aller de l’avant ? Il n’a pas choisi le plus facile mais au bout c’est le bonheur et la réussite qui
l’attendaient.
La Nuit Noire de l’Âme c’est quand on est dans le couloir, le couloir de la mort. On vient de quitter une pièce parce qu’on n’avait plus
rien à y faire mais on se retrouve dans un couloir sans lumière, dans l’obscurité totale on tâtonne, doit-on avancer ? Et pour aller où ? Est-ce que ça vaut le coup ? On se retourne vers l’arrière,
un filet de lumière passe encore sous la porte qu’on a décidé de fermer. C’est réconfortant, on sait que là-bas, d’où on vient, il y a la lumière, pourquoi ne pas y retourner plutôt que de se perdre
dans le noir ? Certains le feront mais croyez moi, pour l’avoir vu et constaté, les dommages qui arriveront ensuite pour avoir voulu s’éviter ce qu’il pensait être le pire, seront si violent que
j’appelle cela le RETOUR DE BOOMERANG ! Inattendu et fracassant ! En général, ça ne pardonne pas… Et on repart d’encore plus loin ! Alors que faire ?
Lâcher prise, accepter d’être dans ce couloir sombre, avancer pas à pas, se faire mal, et saisir la moindre des opportunités que
l’Univers met sur votre chemin qui signifierait « nouveau » ou « inconnu ». Cela fait terriblement peur d’aller vers de nouvelles personnes, relations, un nouveau travail, fonctionnement ou
traitement médicamenteux, etc…Pourquoi, sous prétexte que la poignée de la porte est ronde ou qu’il s’agisse d’un bouton poussoir à la place d’une clenche oblongue, pourquoi imaginer que ça ne
vaudrait pas le coup ? Que c’est plus dangereux et que cela nous amènera plus d’ennuis ? Osez ! Même si la nouveauté vous semble être un saut dans le vide et sans parachute, vous pourriez être
surpris du résultat.
Laissez les portes que vous avez fermés, les schémas qui vous ont semblé périmés, les vérités qui n’appartiennent qu’aux autres mais qui
ne sont pas les vôtres, ne choisissez pas la facilité...Le boomerang saurait vous retrouver sans le moindre doute. Surtout depuis les années 2010, et notamment depuis 2016, cela ne pardonne pas.
L’Univers n’offre plus autant de chances qu’auparavant à ceux qui renoncent, qui sont dans le déni, qui se détournent d’eux-mêmes et du chemin de la guérison de nos blessures, de ceux qui se
paralysent dans leurs peurs ou qui se réconfortent dans le « connu dysfonctionnant ».
Il n’y a qu’un conseil que je puisse vous donner : accepter de vivre cette Nuit Noire de l’Âme. Certes elle est synonyme de solitude et
personne ne pourra vous secourir, la force de s’en sortir doit venir de vous, n’essayez pas d’éviter la douleur. SI VOUS TRAVERSEZ CES TÉNÈBRES C’EST QUE VOUS ÊTES SUR UNE FIN DE CYCLE, NE REVENEZ
PAS EN ARRIÈRE.
IMAGINEZ-VOUS LE SERPENT TENTER DE REPLONGER LA TÊTE LA PREMIÈRE DANS SON ANCIENNE PEAU EN PHASE DE MUE PLUTÔT QUE D’ATTENDRE QUE LA
NOUVELLE SE FORME ?
Certes il est mis à nu, plus vulnérable mais il sait se montrer patient. Imaginez-vous le papillon vouloir et pouvoir re-rentrer dans son
cocon au lieu de déployer ses ailes et de faire le grand saut vers cette Nature inconnue ? Imaginez-vous l’arbre ramasser ses feuilles d’automne pour les recoller ? L’Arbre est le symbole du cycle de
la vie, chaque saison offre une avancée vers autre chose et chaque année il se renouvelle. Refuse-t-il la Nuit Noire de son Âme (l’Hiver) ? On le croit mort mais il ne meurt pas, il prépare sa
renaissance. Vous avez l’impression que vous ou votre vie est dévastée, que ce n’est plus qu’un tas de cendres ? SOYEZ UN PHÉNIX alors…n’essayez pas de recoller les morceaux avec le peu qu’il
reste…Laissez le passé au passé, ce qui a été n’a plus lieu d’être. Laisser les nouvelles pousses jaillir de ce sol qui vient de connaître un hiver froid et glacial. Rien n’arrête le cycle de la vie
si on sait s’adapter à son mouvement. Après l’hiver vient toujours le printemps et son renouveau.
Quant à moi, chaque fois qu’une rechute menace, je me souviens, en m’abandonnant à mes peurs, en cessant de lutter, de résister, de
paniquer, de forcer les choses, et en suivant le courant, en acceptant les nouvelles opportunités (même celles qui m’effrayaient énormément) j’ai pu m’en sortir et revoir la Lumière.
J’ai vécu cela comme une perte identitaire violente et sans concession, extrêmement destructurante mais avec le recul je la dirais
salvatrice. La Nuit Noire de l'Âme est une étape porteuse même si elle est difficile.
Sandra BURNIER